dimanche 13 janvier 2013

Les Japonais

Voilà un titre qui a le mérite d'être explicite, voire qui a la prétention à l'exhaustivité. Paru originellement en 2008 et bénéficiant en 2012 d'une édition revue et enrichie, notamment suite aux évènements de Fukushima, cet ouvrage de Karyn Poupée, correspondante pour l'AFP installée au Japon depuis une décennie, ne manque en tout cas pas d'ambition. Ses 600 et quelques pages en témoignent mais - que les inquiets se rassurent - ce livre se dévore aisément, le style de l'auteur étant aussi clair et précis qu'agréable.


Outre un prologue et une conclusion, le livre s'articule en cinq grandes parties subdivisées en de nombreux chapitres. La première entreprend de narrer la reconstruction du Japon depuis 1945, en grande partie sous l'angle économique, autrement dit une histoire claire et concise du miracle économique nippon et de ses lendemains qui déchantent. Suit une présentation plus sociologique de la civilisation japonaise, avec l'accent mis sur les ressorts du lien social unissant la société de l'archipel: il n'est d'ailleurs pas innocent que la crise de mars 2011 soit abordée dans cette partie. En troisième partie, l'auteur revient sur des thématiques économiques pour lesquelles elle semble avoir une réelle appétence. Elle ne cache pas sa grande admiration pour un modèle nippon dont elle met en relief la capacité à innover et à rechercher la satisfaction maximale du consommateur, avec en point d'orgue des réussites incomparables telles que le sont les konbini, le takuhaibin, etc. On note également ici un chapitre qui devrait interpeler à l'heure où nos gouvernants s'interrogent sur le moyen de stopper la désindustrialisation de notre économie. Karyn Poupée se penche ensuite sur la question générationnelle, incontournable dès lors qu'on entend parler des Japonais, avant de conclure par une dernière partie portant sur le rapport du Japon au monde.
Tel est le panorama dressé par Karyn Poupée dans cet ouvrage, assurément l'un des plus complets parus en France sur le sujet.

Pour autant, l'ouvrage présente, à mon sens, un léger souci d'objectivité. En effet, si l'auteur intitule quasiment l'entièreté de ses parties et chapitres avec des termes qui rappellent les jugements négatifs souvent portés hâtivement par nos concitoyens - "une société rigide", "les rêves se sont envolés", etc. - il s'avère que c'est pour mieux les combattre! Si l'entreprise apparaît louable sur le fond, car le Japon a assurément beaucoup d'arguments à faire valoir, le parti pris systématiquement positif finit par interpeler. On est au bord du panégyrique, voire en plein dedans. Par ailleurs, l'ouvrage se garde bien d'aborder certains sujets prêtant à controverse: le système éducatif, la cellule familiale, les blocages institutionnels et administratifs, le suicide, les minorités... En conséquence, le lecteur, sortant certainement émerveillé de cette description du Japon, ne doit pas oublier de garder son sens critique, pourquoi pas en consultant les ouvrages de Muriel Jolivet (cf. Homo Japonicus, présenté sur ce blog).


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Les Japonais, par Karyn Poupée (Ed. Tallandier - Collection Texto) - 650 pages