lundi 6 août 2012

Nihon e yokoso (XI)

Branle-bas de combat! Tout le monde sur le pont! C'est en effet à bord d'un rapide bateau que nous quittons le port de Hiroshima pour l'île toute proche de Miyajima. L'agile esquif se faufile entre les bateaux de pêche et les docks gigantesques où d'énormes navires viennent charger et décharger leurs cargaisons. A la sortie du port, la brume matinale ne laisse notre destination se dévoiler qu'avec une précieuse lenteur. Notre vedette ayant accosté, nous voici transportés dans un paysage franchement méridional, effet d'autant plus accentué qu'il règne une chaleur estivale.







Que vient-on voir sur cette île? L'un des Nihon sankei, id est l'une des trois vues les plus célèbres du Japon, à savoir, ici, le torii du temple d'Itsukushima (autre nom de Miyajima). Une image étant plus parlante que des mots, voilà ce que nous venions admirer...


... et voici ce que nous avons vu.


Sur la rive, une statue équestre donne l'impression de se moquer de notre désappointement.


Mais il faut croire que les kami ne nous ont pas complètement abandonnés. S'il est interdit de naître et de mourir sur cette île sacrée, on peut en revanche s'y marier et, alors que nous faisons quelques pas dans les allées du sanctuaire construit sur pilotis, nous avons la chance exceptionnelle d'assister, de la première à la dernière minute, à un authentique mariage shinto. Dans une chorégraphie impeccable, ponctuée par les litanies du prêtre et quelques gongs de tambour, les futurs époux échangent les coupes de sake, avant que la jeune femme ne rejoigne symboliquement la famille du marié. La cérémonie se déroule au su et au vu de tous: seul le cliquetis de dizaines d'appareils photos se fait entendre jusqu'au moment où le public improvisé se fend d'applaudissements nourris.







 


Enchantés de cette bonne fortune qui compense l'épisode du torii masqué sous les échafaudages, nous faisons ensuite une courte promenade avant de revenir sur nos pas. Nous prenons, cette fois, le ferry régulier, moins onéreux; pour rejoindre la banlieue de Hiroshima, non sans avoir acheté avant l'embarquement quelques momiji manju dans la rue commerçante tokikoji.


 


 


Pour rejoindre Hiroshima même, il faut prendre un tramway et patienter un bon moment, mais une distraction nous est fournie par l'entrée dans notre wagon d'une classe de petits écoliers, en uniforme et bob jaune sur la tête. Inutile de préparer son aspirine, ces enfants-ci se révélant particulièrement sages et bien élevés. Un exemple? Lorsque des adultes montent aux différents arrêts, les enfants qui ont eu la chance de trouver un siège à partager, se lèvent pour le céder et ne se rassoient qu'une fois la certitude acquise que leurs aînés, qu'ils aient 20 ou 80 ans, n'en ont pas l'usage. Malheur à celui qui oublie ses bonnes manières! La petite déléguée de classe viendra le rappeler à l'ordre illico. Une fois débarqués sur le quai, les écoliers font des coucous amicaux aux voyageurs et c'est donc franchement amusés que nous poursuivons notre trajet jusqu'au mémorial de la paix. Nous ne le savions pas encore, mais nous n'en avions pas fini avec les écoliers japonais...


Revenus au parc du mémorial de la paix, nous le voyons encombrés de collégiens et lycéens en pèlerinage sur ce site incontournable du Japon. Nous prenons cette fois le temps de visiter le musée. En pénétrant dans les lieux, nous nous trouvons à littéralement nager au milieu d'une mer de bobs jaunes! Des centaines d'écoliers déambulent d'une maquette à une vitrine, d'un documentaire télévisé à des débris retrouvés sur le site de l'explosion et, plus terrifiant encore, à une reconstitution grandeur nature de victimes du supplice atomique. Les jeunes garçons viennent montrer leur courage en me lançant des "haro! haro!" et en se mettant sur la pointe des pieds pour essayer de comparer leur taille à la mienne. Je ne l'avais pas encore mentionné, mais, tout au long du séjour, j'ai eu des remarques concernant ma taille, me donnant l'impression d'être un géant, alors que, si les personnes âgées sont en effet généralement de toute petite taille, les jeunes générations ne me rendent pas beaucoup de centimètres. Certains a priori ont cependant la vie tenace; du moins celui-ci est plutôt amusant et flatteur.

Alors que nous faisons notre visite, je me rends soudain compte que, dans notre dos, une troupe d'enfants semblent calquer leurs pas sur les nôtres, marchant quand nous avançons, s'arrêtant quand nous stoppons. Virage à 180° et nous faisons face à un groupe de petites écolières, blotties les unes contre les autres, qui nous regardent légèrement apeurées. Avec quelques mots de japonais et nos plus beaux sourires, nous leur demandons si nous pouvons faire quelque-chose pour elles. Se regardant les unes les autres, il semblerait qu'il ne soit plus possible de faire machine arrière face à ces deux étrangers et donc, l'une des petites filles prend son courage à deux mains et nous tend un cahier et un stylo en prononçant dans un anglais appliqué: "could you sign, please"? Franchement amusés et flattés, et un peu émus par cette juvénile demande, à peine avons-nous répondu par l'affirmative que toute la horde se précipite sur nous, cahiers et stylos en mains, chacun voulant obtenir une signature! "Please, sign! Please, sign!" Notre gloire n'est cependant qu'éphémère puisque nous voyons peu après nos jeunes chasseurs de paraphes solliciter les autres visiteurs venus de l'étranger. Il est probable qu'un professeur avait tout simplement demandé à ses élèves de réaliser cette collecte pour leur donner l'occasion de dire quelques mots d'anglais et témoigner de l'audience mondiale du musée. Cela étant, nous ne sommes pas encore tout à fait au bout de nos surprises puisque, quelques salles plus loin et tout en continuant de signer les cahiers tendus ici et là, nous voyons revenir vers nous deux petites filles, l'une tirant l'autre et l'encourageant vivement à faire quelque-chose... mais quoi? Cette fois, ce n'est pas un cahier qui nous est tendu, mais une carte de visite sur laquelle sont notés les prénoms de six petites filles: "please, send a letter"...  De nos cœurs d'adultes s'élève un même cri muet: ce n'est pas possible d'être aussi CHOUPI! Bien sûr que nous enverrons une lettre depuis notre lointain pays...


Ainsi s'acheva notre séjour à Hiroshima. A la nuit tombante, le shinkansen nous ramena à Tokyo, chez nos amis, pour y passer les deux derniers jours de nos vacances.



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