mardi 11 octobre 2011

Joou no Kyoushitsu

Sous un vocable unique, le "school drama" propose des séries aux thématiques variées et ceux qui auraient banni ce genre suite au visionnage d'un Gokusen (au hasard) devraient absolument lui redonner sa chance, par exemple en regardant Joou no Kyoushitsu.

Certains optimistes pensent que l'école est un lieu où les différents socio-économiques sont encore gommés par l'ingénuité des enfants et où l'épanouissement de soi représente une part importante de l'enseignement. D'autres en doutent et le fonctionnement du système scolaire japonais en particulier ne semble pas toujours leur donner tort. En l'espèce, cette série propose de suivre les agissements d'une enseignante employée à l'école primaire Hanzaki. Les méthodes d'Akutsu-sensei ont pour conséquence immédiate de faire voler en éclats toute prétention à l'innocence de ses élèves, leur dévoilant sans fard ce qui serait la seule réalité de la société: une petite minorité de privilégiés profite de la vie sur le dos d'une immense majorité ayant échoué à se faire sa place au soleil. Pour faire entrer la leçon dans les jeunes cerveaux qui lui sont livrés, l'enseignante institue un système de privilèges et de sanctions fondé sur les notes reçues aux interrogations. Face à elle, Kazumi, une jeune élève enjouée, va se lancer dans un combat inégal pour réclamer le droit aux joies de l'enfance et défendre une vision plus morale des relations humaines.

L'environnement scolaire constitue un microcosme fascinant par les opportunités qu'il offre d'observer un modèle concentré de la société. Concentré car, plus que dans n'importe quel autre groupement social, les écoliers réfléchissent en les grossissant les habitudes et les valeurs qui ont cours dans la société où ils grandissent. C'est peu dire que Joou no Kyoushitsu n'épargne pas le monde que les adultes ont construit. Aiguillonnés par leur enseignante, terrorisés par le risque de sanction, ces élèves d'une courte dizaine d'années vont exprimer ce qu'on peut attendre de pire d'un être en société: mensonge, délation, lâcheté, exclusion, harcèlement... Tout est bon pour s'attirer les bonnes grâces du professeur et éviter de se trouver dans le camp des supposés "mauvais élèves", ignorés, méprisés et chargés de toutes les corvées. Akutsu-sensei ne manque pas d'instituer ainsi dans sa classe un féroce esprit de compétition et une véritable obsession pour le travail et les résultats. Le système scolaire sélectif du Japon se trouve ainsi porté ici à son paroxysme. Certes, le premier réflexe des élèves est de tenter de se dresser contre les méthodes de l'enseignante, mais leur pauvre révolte fera long feu. On notera que les parents acquiesceront très facilement aux méthodes d'Akutsu-sensei à partir du moment où celle-ci répond à leur préoccupation première id est l'entrée de leurs rejetons dans un bon collège.

Shida Mirai incarne avec talent la jeune Kanda Kazumi qui se dresse, parfois bien involontairement, contre son enseignante démoniaque. Enjouée, pétillante, drôle, courageuse, son personnage ne pourra que rallier les votes de téléspectateurs appelés à souffrir avec elle des tourments qui lui sont infligés par son professeur, mais également par ses camarades de classe. Sa petite voix aura bien du mal à porter face à la domination écrasante de son adversaire: on notera d'ailleurs que sa terreur enfantine sera bien représentée par la teinte sombre et glacée que prend l'image du drama lorsque Kazumi se trouve en présence de sa némésis. Un point intéressant également est de relever ses réticences à évoquer ses malheurs avec ses parents: ne souhaitant pas déranger des adultes préoccupés par d'autres problèmes, notamment de couple, et sans doute un peu honteuse d'être en queue de classe, Kazumi ne cherchera aucun soutien de ce côté. Révélateur? La lâcheté des adultes, parents ou enseignants, et leur capacité à se mettre des œillères représentent un point récurrent de Joou no Kyoushitsu. Tout juste recevra-t-elle un peu d'aide de quelques autres pestiférés de la classe, en particuliers Yusuke et Hikaru, joués là-aussi par deux bons petits acteurs.

Amami Yuki a, quant à elle, la lourde charge d'incarner ce professeur aux méthodes moralement révoltantes et autant reconnaître d'emblée que, comme à son habitude, elle réalise une prestation très solide. On relèvera d'ailleurs avec amusement que le générique de fin s'attache à nous rappeler qu'il est inutile de changer de trottoir si on était amené à la croiser un jour. C'est dire son talent à incarner cette terrifiante Akutsu Maya qui semble jouir des tourments infligés à ses élèves. Intelligente et manipulatrice, elle les incite aux pires bassesses. Au travers de l'univers scolaire, ce personnage incroyable met froidement à jour les travers et les obsessions d'une société qui ne s'assumerait pas telle qu'elle est vraiment. D'une certaine façon, il est assez jouissif de voir exprimer au grand jour toute cette boue qu'on s'efforce habituellement de cacher derrière des discours humanistes et solidaires. Et c'est ce qui rend d'autant plus décevante l'évolution suivie par les derniers épisodes de ce drama...

Je vais tâcher d'en dire le moins possible sur le déroulé de cette série, mais il m'est difficile de ne pas expliquer ici les raisons de ma déception. Peut-être victimes d'avoir trop bien su mettre en exergue les turpitudes supposées du système scolaire et de la société japonaise, les promoteurs de Joou no Kyoushitsu vont finalement refuser d'assumer leur posture de dénonciateurs. Pour ce faire, rien de tel que de faire évoluer le personnage d'Akutsu-sensei en lui donnant des motivations qui, de mon point de vue, ne tiennent pas la route eu égard à son comportement initial. La leçon de vie donnée à ses élèves ne justifie pas la perversité de certaines remarques ou de certains actes qui auraient pu, par exemple, mener au suicide de l'un d'entre eux, et ne m'apparaît donc pas comme un argument recevable à même de contrer l'ignominie des premiers épisodes. Dans Dragon Zakura, l'enseignant pousse ses élèves sans ménagement à s'inscrire dans la logique de compétition sociale qui est à l’œuvre dans nos sociétés. Akutsu-sensei va bien plus loin, ne serait-ce qu'en promouvant l'ijime. En trouvant des justifications aux actes de son personnage principal, voire en faisant d'elle un modèle de pédagogie, ce drama noie ainsi le message dénonciateur qu'il avait si bien su construire.

Cette déception finale doit cependant être reçue dans une vue d'ensemble. Joou no Kyoushitsu est un school drama original, intéressant, bien fait et porté par un bon casting. S'il a échoué à l'examen final, il ne faut pas lui retirer le bénéfice d'un excellent contrôle continu.


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7/10 : At least worth checking out.


Official Site
The complete details for Joou no Kyoushitsu on drama-wiki
Joou no Kyoushitsu with English subs

1 commentaire:

Katzina a dit…

Puisqu'on parlait justement de school drama originaux sur Luminophore ! ^^
J'avais déjà croisé le nom de celui-ci mais je ne savais pas vraiment de quoi il s'agissait. Je suis curieuse de voir ce que ça donne, même si je pense qu'il me faudra trouver le bon moment pour ce genre d'histoire. Je fais confiance à Amami Yuki et Shida Mirai pour l'interprétation, en tout cas ! ^^